Essai d'approche
transversale P.Deransart
Introduction au débat (texte en
co-construction) A. Mille
Notion
de
trace
En première analyse, nous
considérerons qu’une trace
est constituée à partir d’empreintes laissées
volontairement ou non dans
l’environnement à l’occasion d’un processus. La trace ainsi construite est inscrite (ou non) dans
l’environnement utilisé comme support à la mémoire
(en tant que processus).
La nature des empreintes est très
variable et tout
processus peut produire (on non) des empreintes plus ou moins
persistantes,
s’inscrivant dans l’environnement et distinguables ensuite par des
observateurs
avertis en tant que trace du
processus initial.
L’observation est donc un processus cognitif
pour
distinguer (au sens propre) l’empreinte comme trace de quelque
chose pouvant faire sens.
L’observateur doit être donc averti (de la chose tracée) pour distinguer,
interpréter, exploiter
des traces qui prendront le statut d’inscriptions de connaissances dans
son
contexte cognitif.
Nous proposons donc, arbitrairement et par
facilité
à ce niveau, de nommer empreinte
l’inscription de quelque chose dans l’environnement au temps du
processus et trace l’observation de cette empreinte
dans une temporalité qui ne peut pas lui être
antérieure (mais peut être la
même).
Quelques exemples illustrant la distinction
empreintes/traces :
- des empreintes
sont laissées sur le lieu d’un crime et seront
considérées comme traces par
l’enquêteur qui va les relever en tant que
telles pour son
enquête (inscription volontaire de la
trace) ;
- dans une œuvre littéraire, des formes d’écriture seront autant d’empreintes
considérées comme trace par un lecteur
averti (critique ou
amateur) ;
- les humains inscrivent des
empreintes involontaires dans l’environnement lors de leur
séjour (suie du feu dans une grotte par exemple). Ces empreintes seront relevées comme traces
de leur passage par des observateurs (poursuivants,
historiens, …).
Naturellement, les traces telles
qu’élaborées dans
des disciplines différentes se déclinent dans des formes et pour des objets
très différents, par exemple : pour le récit d'une
épopée historique , pour le
déroulement ou l'analyse d'une mélodie, pour le suivi du
développement de
végétaux, pour le scénario d'un film, pour la mise
au point d'un logiciel, pour
étudier la vie d'une cellule, pour mener une enquête
policière, pour assurer la
mémorisation de données personnelles, pour rendre compte
d’une démonstration
mathématique, pour faciliter l'animation d'un groupe
d'étudiants, pour suivre
les collisions de particules, pour le suivi de l'exécution d'un
programme, pour
rendre compte des interactions dans un réseau social, etc. Ces constructions ont peu de ressemblance
formelle, mais sont bien issues d’un
processus de création de traces au sens
général
proposé.
L’estampille temporelle de l’empreinte est
souvent
recherchée pour construire la trace dont les
éléments sont alors temporellement
situés. Est-ce que cette
propriété d’une estampille temporelle de l’empreinte pour
constituer une trace
est une condition nécessaire ?
Notion de
trace numérique
Si on reprend la définition
générale de la trace en
la spécialisant au cas numérique, la définition
correspondante serait : la
trace numérique est constituée à
partir d’empreintes numériques
laissées volontairement (ou non ?)
dans l’environnement informatique à
l’occasion de processus informatiques.
Plusieurs constats montrent des
spécificités liées
au caractère numérique des traces :
- inscrire une empreinte numérique
implique un codage
numérique et une inscription du code dans l’environnement
informatique.
- les traces numériques
comme les empreintes numériques sont
inscrites dans l’environnement informatique :
l’environnement
informatique est alors support de mémoire et support de calcul sur
les traces comme sur les empreintes.
- l’environnement informatique
possède une/des horloge/s liées intrinsèquement
à sa
technologie. L’inscription d’une estampille temporelle est donc
toujours
possible au moment de l’empreinte.
- le fait que empreintes et traces soient numériques autorisent des processus de
mémoire et de calcul, leur donnant un caractère homogène et cohérent par nature. Il est
toujours possible de faire
des traces numériques nouvelles avec de traces numériques
existantes (nouvelles
interprétations) et d’éventuellement remonter jusqu’aux
empreintes elles-mêmes,
si tant est qu’elles soient disponibles dans le même
environnement
informatique.
Le monde numérique
est donc potentiellement normalisateur de la production de traces
à partir
d’empreintes plus ou moins contrôlées dans leurs
inscriptions.
Comment ce statut numérique
des traces, avec toutes les exploitations possibles liées
à sa normalisation de mémoire et de calcul, peut-il
modifier les processus
cognitifs associés aux traces ?
Ces différences
induisent-elles une nature nouvelle pour les traces numériques
?
Traces
numériques,
environnement informatique et environnement informatisé :
la question du
web
Nous distinguons la notion d’environnement informatique de la notion d’environnement
informatisé.
L'environnement, au sens général, est
défini comme :
« L'ensemble des
éléments (biotiques ou abiotiques) qui entourent un
individu ou une espèce et dont certains contribuent directement
à subvenir à
ses besoins », ou encore comme « l'ensemble des conditions
naturelles
(physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques)
susceptibles
d’agir sur les organismes vivants et les activités humaines
» [Le grand Robert
de la Langue française, Robert, Paris, 2001].
L’environnement informatique
est constitué par un ensemble d’artefacts informatiques capables
de supporter les
processus de mémoire et de calcul numérique, de
communiquer entre eux par des
canaux numériques et constituant un système artefactuel,
fini et homogène
conceptuellement. Tout environnement informatique concret
possède des interfaces avec des systèmes
hétérogènes au numérique (typiquement des processus
naturels, des humains,…). Le système
global constitué par l’environnement informatique et les
systèmes hétérogènes
couplés constitue un système complexe.
L’environnement informatisé
serait donc l’environnement défini dans l’acception habituelle
du terme
considéré comme instrumenté par des environnements informatiques.
Le web constitue
un environnement informatique mais peut-être
considéré
aussi comme un environnement informatisé
si l’on considère les systèmes
hétérogènes au numérique (les humains en
premier
lieu, mais pas uniquement) comme acteurs de
l’environnement.
Le WEB soulève la question des traces
numériques
issues des empreintes numériques très nombreuses
laissées pour des raisons très
variables par des concepteurs multiples pouvant mener à des traces numériques selon
une ingénierie qui s’unifie avec
l’émergence de cet objet dans la panoplie des objets
informatiques étudiés par
les chercheurs.
Un paradoxe de sécurité
apparaît très vite :
l’accès aux ressources disponibles dans l’environnement
informatisé (pas
uniquement l’environnement informatique donc) exige très souvent
des procédures
d’identification des acteurs. Les empreintes associées sont donc
très souvent
spécifiquement associées à l’activité de
ces utilisateurs et les traces
observées révèlent des comportements
privés. La trace informatique devient
alors un objet à protéger comme les autres ressources
disponibles dans
l’environnement informatisé. La gestion de la propriété
des traces informatiques est une question non triviale.
Est-ce une question originale à la trace numérique