IC2011 Atelier 1    INTRODUCTIONS  AU DEBAT
Traces, traces numériques, connaissances et cognition.

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Essai d'approche transversale   P.Deransart


Introduction au débat (texte en co-construction) A. Mille

Notion de trace

En première analyse, nous considérerons qu’une trace est constituée à partir d’empreintes laissées volontairement ou non dans l’environnement à l’occasion d’un processus. La trace ainsi construite est inscrite (ou non) dans l’environnement utilisé comme support à la mémoire (en tant que processus).

La nature des empreintes est très variable et tout processus peut produire (on non) des empreintes plus ou moins persistantes, s’inscrivant dans l’environnement et distinguables ensuite par des observateurs avertis en tant que trace du processus initial.

L’observation est donc un processus cognitif pour distinguer (au sens propre) l’empreinte comme trace de quelque chose pouvant faire sens.

L’observateur doit être donc averti (de la chose tracée) pour distinguer, interpréter, exploiter des traces qui prendront le statut d’inscriptions de connaissances dans son contexte cognitif.

Nous proposons donc, arbitrairement et par facilité à ce niveau, de nommer empreinte l’inscription de quelque chose dans l’environnement au temps du processus et trace l’observation de cette empreinte dans une temporalité qui ne peut pas lui être antérieure (mais peut être la même).

Quelques exemples illustrant la distinction empreintes/traces :

- des empreintes sont laissées sur le lieu d’un crime et seront considérées comme traces par l’enquêteur qui va les relever en tant que telles pour son enquête (inscription volontaire de  la trace) ;

- dans une œuvre littéraire, des formes d’écriture seront autant d’empreintes considérées comme trace par un lecteur averti (critique ou amateur) ;

- les humains inscrivent des empreintes involontaires dans l’environnement lors de leur séjour (suie du feu dans une grotte par exemple). Ces empreintes seront relevées comme traces de leur passage par des observateurs (poursuivants, historiens, …).

Naturellement, les traces telles qu’élaborées dans des disciplines différentes se déclinent dans des formes  et pour des objets très différents, par exemple : pour le récit d'une épopée historique , pour le déroulement ou l'analyse d'une mélodie, pour le suivi du développement de végétaux, pour le scénario d'un film, pour la mise au point d'un logiciel, pour étudier la vie d'une cellule, pour mener une enquête policière, pour assurer la mémorisation de données personnelles, pour rendre compte d’une démonstration mathématique, pour faciliter l'animation d'un groupe d'étudiants, pour suivre les collisions de particules, pour le suivi de l'exécution d'un programme, pour rendre compte des interactions dans un réseau social,  etc. Ces constructions ont peu de ressemblance formelle, mais sont bien issues d’un processus de création de traces au sens général proposé.

L’estampille temporelle de l’empreinte est souvent recherchée pour construire la trace dont les éléments sont alors temporellement situés. Est-ce que cette propriété d’une estampille temporelle de l’empreinte pour constituer une trace est une condition nécessaire ?


Notion de trace numérique

Si on reprend la définition générale de la trace en la spécialisant au cas numérique, la définition correspondante serait : la trace numérique est constituée à partir d’empreintes numériques laissées volontairement (ou non ?) dans l’environnement informatique à l’occasion de processus informatiques.

Plusieurs constats montrent des spécificités liées au caractère numérique des traces :

- inscrire une empreinte numérique implique un codage numérique et une inscription du code dans l’environnement informatique.

- les traces numériques comme les empreintes numériques sont inscrites dans l’environnement informatique : l’environnement informatique est alors support de mémoire  et support de calcul sur les traces comme sur les empreintes.

- l’environnement informatique possède une/des horloge/s liées intrinsèquement à sa technologie. L’inscription d’une estampille temporelle est donc toujours possible au moment de l’empreinte.

- le fait que empreintes et traces soient numériques autorisent des processus de mémoire et de calcul, leur donnant un caractère homogène et cohérent par nature. Il est toujours possible de faire des traces numériques nouvelles avec de traces numériques existantes (nouvelles interprétations) et d’éventuellement remonter jusqu’aux empreintes elles-mêmes, si tant est qu’elles soient disponibles dans le même environnement informatique.

Le monde numérique est donc potentiellement normalisateur de la production de traces à partir d’empreintes plus ou moins contrôlées dans leurs inscriptions.

Comment ce statut numérique des traces, avec toutes les exploitations possibles liées à sa normalisation de mémoire et de calcul, peut-il modifier les processus cognitifs associés aux traces ?

Ces différences induisent-elles une nature nouvelle pour les traces numériques ?
 

Traces numériques, environnement informatique et environnement informatisé : la question du web

Nous distinguons la notion d’environnement informatique de la notion d’environnement informatisé.

L'environnement, au sens général, est défini comme :

« L'ensemble des éléments (biotiques ou abiotiques) qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins », ou encore comme « l'ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques) et culturelles (sociologiques) susceptibles d’agir sur les organismes vivants et les activités humaines » [Le grand Robert de la Langue française, Robert, Paris, 2001].

L’environnement informatique est constitué par un ensemble d’artefacts informatiques capables de supporter les processus de mémoire et de calcul numérique, de communiquer entre eux par des canaux numériques et constituant un système artefactuel, fini et homogène conceptuellement. Tout environnement informatique concret possède des interfaces avec des systèmes hétérogènes au numérique  (typiquement des processus naturels, des humains,…). Le système global constitué par l’environnement informatique et les systèmes hétérogènes couplés constitue un système complexe.

L’environnement informatisé serait donc l’environnement défini dans l’acception habituelle du terme considéré comme instrumenté  par des environnements informatiques.

Le web  constitue un environnement informatique mais peut-être considéré aussi comme un environnement informatisé si l’on considère les systèmes hétérogènes au numérique (les humains en premier lieu, mais pas uniquement) comme acteurs de l’environnement.

Le WEB soulève la question des traces numériques issues des empreintes numériques très nombreuses laissées pour des raisons très variables par des concepteurs multiples pouvant mener à des traces numériques  selon une ingénierie qui s’unifie avec l’émergence de cet objet dans la panoplie des objets informatiques étudiés par les chercheurs.

Un paradoxe de sécurité apparaît très vite : l’accès aux ressources disponibles dans l’environnement informatisé (pas uniquement l’environnement informatique donc) exige très souvent des procédures d’identification des acteurs. Les empreintes associées sont donc très souvent spécifiquement associées à l’activité de ces utilisateurs et les traces observées révèlent des comportements privés. La trace informatique devient alors un objet à protéger comme les autres ressources disponibles dans l’environnement informatisé. La gestion de la propriété des traces informatiques est une question non triviale. Est-ce une question originale à la trace numérique